Un jour l’aidé peut devenir l’aidant. Un travail sur soi-même est nécessaire pour développer sa patience et son calme. Accepter la différence de l’autre, tout comme elle a fait auparavant. Réapprendre la personne que nous aimons, tout en ne se laissant pas envahir par le passé. ce passé parfois lourd pour l’un, effacé pour l’autre. Mais dans tout les cas, l’un peut être devenu aidant, mais l’autre y est toujours à sa manière.
Un jour, la vie prend un virage inattendu par un simple mal de tête. Une année en enfer, avec des rêves envolés. Une peur de l’avenir permanente. Des après-midis dans les hôpitaux…. Puis au bout d’un moment, le virage prend fin, donnant une vie différente.
Ma compagne a fait une rupture d’anévrisme, il y a deux ans. Cela s’est passé une nuit. Elle s’est levée avec un fort mal de crâne, vomissements, puis évanouissement. J’ai appelé mon père, et les pompiers l’ont transporté en hélicoptère à Lille. Après 3 heures d’opération, ma compagne a passé 2 mois dans le coma.
Tous les week-ends, avec l’aide de ma famille, j’allais la voir en soins intensif. Au début, ce fut très difficile de la voir entourer de tant de machines, et totalement inerte. Puis je me suis habitué, et je me suis mis à lui parler normalement, voir même à lui dire des bêtises.
À son réveil, j’ai rapidement compris que ma compagne avait d’importants de mémoire et qu’elle était retombée en enfance. Ensuite elle est restée une année en centre de rééducation.
À présent, nous vivons ensemble avec des Intervenant.e.s à domicile. De plus, nous sommes complémentaires dans nos handicaps : ma compagne est mes bras, je suis sa tête.
Ma compagne et moi aimons faire de l’humour sur notre handicap. Elle a fait une rupture d’anévrisme et j’ai une paralysie cérébrale. Elle a des problèmes de mémoire, je ne marche pas, je fais des mouvements involontaires et je parle bizarrement.
Nous pensons que l’humour sert à alléger le poids du handicap, et de nous mettre tous au même niveau. Cependant l’humour doit être bien fait pour ne vexer personne.
Je vous propose une série de phrases que nous disons régulièrement pour se moquer gentiment de l’un et de l’autre:
Les dires de ma compagne
Lève toi et marche
Vous savez, c’est un faux handicapé, il est autonome en vrai
Il marche durant la nuit
Tout n’est pas handicapé chez lui
Ton handicap est lourd, quand même
Je lui dis: tu n’as pas de tête. Elle me répond: oui mais j’ai des jambes
Mes dires
Tu as déjà Alzheimer mon bébé
Mon petit poisson rouge
Tu es encore saoule (elle a des problèmes d’équilibre)
Situations propre à notre handicap
Lorsque nous allons chercher des frites à côté de chez nous, les personnes nous regarde bizarrement, car ma compagne ne se rappelle plus de la commande, malgré qu’elle semble valide, et moi, je lui rappelle la commande malgré mon handicap plus important physiquement.
Une fois, toujours dans la même friterie, après un bon apéritif entre amis, je me suis rendu compte que je pouvais changer les chaînes avec mon fauteuil électrique. Tout le monde se regardait vu qu’il ne comprenait pas se qui arrivait à la télévision.
Dans quelques jours, cala fera trois ans que ma compagne a fait une rupture d’anévrisme. Depuis ce jour terrible notre vie a complètement changé: nous avons du oublié nos rêves, comme fonder une famille, et voir notre autonomie diminuer.
Trois années, ça peu par être long, mais j’ai l’impression que c’était hier. Je pense souvent à notre vie d’avant, et à la nuit du drame. Je n’arrive pas à tourner cette lourde page de ma vie. J’imagine que tout va redevenir à la normal, comme par magie.
Depuis ma naissance, des personnes m’ont toujours aidé physiquement pour me nourrir, aller aux toilettes, me laver, m’accompagner dans les sorties, et toutes les tâches quotidiennes. En résumé, je suis uniquement autonome sur un ordinateur. Le fait d’être aidé ne me dérange pas, car j’ai toujours connu cela, c’est ma normalité. Le seul inconvénient à être aidé en permanence c’est que j’ai eu des difficultés à entrer dans le monde des adultes. Personnellement je me suis senti réellement adulte lorsque je me suis mis en ménage avec ma compagne. Elle m’a fait évoluer.
Cependant parfois je me sens diminué dans mon estime lorsque l’accès à une activité est soumis à l’accompagnement d’une personne, comme la piscine. Évidemment je comprends que les personnes handicapées doivent s’adapter à la société qui est en train de devenir inclusive. Nous sommes une minorité, et donc nous ne pouvons pas tout révolutionner, en quelques années seulement. Je souhaite remercier la totalité des personnes et des associations œuvrant pour cette transition. Je pense que cette transition va prendre beaucoup de temps, surtout pour faire changer les mentalités dans le domaine du handicap.
Depuis la rupture d’anévrisme de ma compagne, je suis devenu aidant, pas physiquement, mais au niveau de son organisation de vie. Cela demande un important travail sur soi-même et beaucoup de patience. Dans mon cas, je dois faire preuve d’une grande patience, car au vu de ces problèmes de mémoire, je lui répète plusieurs fois les choses. De plus, j’ai une double expérience : personne aidée et personne aidante.
Je suis arrivé à prendre ce virage de la vie grâce à l’éducation de ma famille. Elle m’a transmis l’amour d’aider son prochain.