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Dorian était un grand rêveur plein d’imagination. La plus grande de ses passions, et la plus originale en même temps, était de se promener dans les gares, surtout celles de sa ville, c’est-à-dire « Lille ». Il trouvait en ce lieu toute la matière première servant à créer ses mondes : les gens. Il les observait en leur imaginant une vie en rapport avec leur physique, et avec les discussions qu’il entendait ou les leurs comportements. Cette activité lui servait uniquement à son bonheur personnel, il n’en tirait aucun bénéfice financier, comme nous pouvons y penser naturellement, par exemple en écrivant des histoires ou des romans. Il voyait au travers des personnes une source intarissable d’aspiration agissant sur lui telle une drogue, car, l’espace d’un instant, il oubliait la réalité.

 

Ce jour-là, Dorian décida d’aller à la gare « Lille Flandre » pour évidemment se donner à son petit plaisir. C’était une douce journée où le soleil faisait sortir doucement la nature de son sommeil hivernal. Les passants avaient commencé à enlever des épaisseurs de vêtements, et ainsi découvrir un peu plus leur peau.

Aussitôt pénétré dans la gare par un petit portail, Dorian vit une scène originale et touchante. Dans un petit local caché derrière une vitre fumée, un jeune couple se serrait dans les bras, tout en s’embrassant tendrement. L’originalité venait du fait que la femme était voilée, et l’homme, qui et contrôleur à la SNCF, ne semblait avoir aucune origine particulière. La demoiselle était très charmante. Son voile fessait ressortir ses fins traits dessinés sur sa peau brune.

Le garçon portait une légère barbe de quelques semaines, et son crâne était à nu.

 

Dans l’imagination de Dorian, ce jeune couple se cachait des regards, et surtout des préjugés. Ce n’était pas facile d’être un couple biculturel en ces temps-là. La famille du jeune homme penserait sûrement au terrorisme, et pour les plus extrêmes d’entre eux, ils s’imagineront Dorian partir pour rejoindre l’état islamique.

Du côté de la jeune femme, les parents seraient contre cette union pour cause religieuse. Ils voudraient que leur unique fille soit mariée avec un homme hautement croyant afin de respecter les coutumes familiales.

Pour le moment, le couple semblait être très loin de ces préoccupations. Ils s’aimaient tout simplement, et l’avenir leur préoccupait peu.

 

Un peu plus loin, Dorian rencontra un jeune garçon, d’environ douze ans, en train de demander de l’argent aux passants pour pouvoir acheter une barre chocolatée au distributeur. Il disait à voix très haute : « j’ai mal au ventre tellement j’ai faim », tout en tenant le ventre à deux mains. Parfois, il arrêtait une personne pour lui expliquer qu’il attendait un ami pour prendre le train, et qu’il n’avait rien mangé de la journée. Les gens souriaient, car le garçon n’avait pas de talent pour la comédie. Il surjouait grossièrement, comme presque la totalité des enfants de son âge.

Dorian l’imaginait vivant dans un camp sauvage non loin de là. Il mendiait, de façon dissimulée, pour pouvoir se nourrir évidemment, mais également sa famille.

Tous ces gens avaient dû fuir leur pays d’origine pour essayer de trouver une vie meilleure, loin de la massière. Mais malheureusement, pour nombreux d’entre eux, en arrivant en France, un enfer les entendait.

Dorian eu envie de faire un petit cours de comédie à l’enfant afin qui soit plus crédible. Mais le contact humain et Dorian, ça faisait deux. Il n’était pas doué avec les personnes, et il ne faisait rien pour arranger ça. Son truc, c’était les rêves, voilà tout.

Notre héros se dit : « certes, ce garçon ne sera sûrement pas très cultivé vu qu’il ne va pas à l’école. Mais, avec l’expérience acquise, il sera obligatoirement débrouillard. Et qui sait, avec les années passantes, il deviendra peut-être un bon comédien. »

 

Il prolongea son chemin, et croisa un jeune couple se donnant leurs derniers baissés avant un au revoir déchirant. Des larmes coulaient sur les joues féminines. L’un entre eux devait obligatoirement habiter loin : une jolie rencontre par internet.

Et si ces larmes étaient fausses. Peut-être cette jeune femme, une fois seule, allait dans les bras d’une autre personne. Si cette supposition était vraie, elle devait ressentir un malin plaisir en pensant à l’autre con en train de l’aimer comme fou. Elle avait besoin de cette domination pour se sentir heureuse. Puis, au fond elle, elle aimait les deux.

 

Dorian se fit bousculer par un homme en costume qui ne s’excusa pas. Cet individu devait prendre une correspondance pour se rendre à un rendez-vous professionnel. Il ne faisait aucune attention au monde qui l’entourait. Il était totalement enfermé dans une bulle où seul la performance comptée : être le meilleur pour gagner le plus d’argent possible. La famille passait au second plan.

En une fraction de seconde, tout s’envola. Ce n’était juste qu’un rêve.

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